Une Guinée « nettoyée, assainie et épurée » 9 Août 2022 (Par Gandhi Barry)

10 août 2022 -
Une Guinée « nettoyée, assainie et épurée » 9 Août 2022 (Par Gandhi Barry)
août 10th, 2022 | par Leguepard.net


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À l’occasion – il y a une quinzaine de jours – de la sor...

Une Guinée « nettoyée, assainie et épurée »  9 Août 2022 (Par Gandhi Barry)

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À l’occasion – il y a une quinzaine de jours – de la sortie du premier numéro du magazine qui proviendrait de la « Présidence de la République » – que j’ai téléchargé, mais pas encore eu le temps de lire complètement -, et publié par la Direction de la Communication et de l’Information (DCI), Mamadi Doumbouya a annoncé qu’il voulait une Guinée « nettoyée, assainie et épurée ». Tout le monde est pour, mais personne ne s’entend sur le contenu de cette affirmation. Je m’en vais donc rappeler à cet autocrate – on rappelle qu’il n’est pas Président de la République de Guinée -, que les discours c’est bien, les actes c’est mieux.

Une Guinée nettoyée
Au sens propre, en dehors de l’opération ponctuelle de communication des ministres venus nettoyer quelques détritus dans Conakry (on aime bien faire le buzz), on ne voit pas de résultat concret dans la gestion des déchets. On rappelle un scandale choquant et qui manifestement n’était pas resté sans conséquence, des gens avaient été tués à Conakry par des détritus en Août 2017 (il y a 5 ans déjà, mais rien n’a changé), Conakry étant une poubelle à ciel ouvert. On pourrait donc commencer par là. Concrètement et de manière symbolique c’est la première décision que tout chef d’état devrait prendre dès qu’il arrive au pouvoir. On constate malheureusement que certains, non seulement aiment bien les ordures, mais s’y complaisent.
Au sens figuré – et encore ? -, quoi faire maintenant pour nettoyer la Guinée ?
En relisant les discours de l’ex-caporal Mamadi Doumbouya – devenu colonel en moins de temps qu’il ne le faut pour le dire (selon quels critères ? Pour quels faits d’armes en Guinée ?) -, je me pince un peu, parce que j’ai perdu l’habitude de rêver, et que malheureusement, les promesses n’engagent que ceux qui les écoutent.
Il est utile de rappeler en préalable, que dans la mesure où le CNRD n’est de toute façon pas légitime, le « colonel » s’est donc arrogé tout aussi illégalement le pouvoir. À vrai dire je ne vois d’intérêt à sa présence à la tête de l’État, que pour une seule activité – si l’on excepte tout ce qui concerne le retour rapide à l’ordre constitutionnel via des élections libres, crédibles et transparentes -, celui de nettoyer les écuries d’Augias… mais dans son cœur de métier.
Parce qu’il ne figure pas directement au rang des assassins du 28 Septembre 2009, le colonel pourrait profiter de l’opportunité qui lui est « offerte », pour faire traduire en justice (et non éliminer), quelques-uns des dirigeants compromis dans le régime du capitaine Dadis Camara, car ces quelques « sacrifiés » permettront non seulement de préserver l’institution militaire toute entière, et notamment les nombreux hommes de troupe, mais également de permettre la promotion éventuelle de certains militaires modérés – il en existe forcément ? – dans l’institution, afin de lui faire redorer son blason.
Après tout, il y a plus de 12 ans, le général Sékouba Konaté n’avait pas dit autre chose dans son discours : « … Pendant qu’il est encore temps et comme nous en avons tous la volonté surtout, il nous faut nous décider, nous mobiliser pour sortir de nos rangs tous ceux qui salissent notre uniforme, trahissent leur serment et voudraient opposer l’Armée dans sa majorité respectable à l’opinion nationale et internationale… ».
La démarche pourrait paraître cynique, mais ô combien subtile, car l’impunité n’est plus possible pour ces assassins ; or le 28 Septembre ne peut plus être le symbole du départ d’un nouveau régime (les événements de Juin 2006 et Janvier 2007 avaient eu lieu en fin de règne de Lansana Conté), quel qu’il soit. Démarrer (pour combien de temps ?) un nouveau régime avec cette tâche indélébile, n’est pas acceptable et ne sera plus acceptée.
Il est vrai qu’en procédant de la sorte, il se mettra à dos une partie de l’armée – mais ce n’est pas la plus noble -, mais il obtiendra surtout la bienveillance de la population (accessoirement de la Communauté internationale), pour faire le sale boulot. Il en va de toute façon non seulement de sa propre sécurité, car nombreux au CNRD doivent se regarder en chiens de faïence, prêts à bondir dans cette partie d’échecs ou de poker menteur, mais également de la sécurité du pays tout entier, certains énergumènes n’hésiteront pas à embraser le pays, non seulement pour leur devenir proche, mais aussi pour la défense de leurs petits intérêts personnels. Ce sera l’occasion alors de vérifier sur la forme, si tous les surnoms que le colonel possède – et qu’un certain « mendiant » Sidibe lui affuble à longueur de journée -, ne sont pas surfaits, et sur le fonds, si le colonel est réellement avec ou contre ces « militaires » nuisibles.
C’est le prix à payer, non seulement pour certains militaires, qui ne pourront pas cette fois, passer à travers les gouttes, mais également pour certains civils de manière générale. Enfin il faut toujours garder à l’esprit que les militaires ne quittent le pouvoir, que lorsqu’ils y sont obligés.

Un corporatisme exacerbé et des parasites au sein de l’armée
Il faut être clair : en 50 ans, l’armée n’a été « utile » au pays qu’à l’occasion des conflits frontaliers avec le Liberia et la Sierra Leone au début des années 90. Et encore !!! C’est cher payé au budget national, notamment depuis une dizaine d’années, puisqu’en considérant que l’armée absorbe au moins 30% de celui-ci (voire du PIB ?) – on est sans doute loin du compte, et il faut vraisemblablement imaginer 50% -, l’arrêt des conflits n’a pas eu de conséquence sur cette prédation « légale ». C’est bien là le problème, tous les discours, la phraséologie anti-impérialiste n’a pour but que d’endormir et de distraire la population. Au sein de l’armée, on trouve de nombreux « jouisseurs » qui s’équipent en matériels, armes, véhicules, logements, carburants, dotations diverses… aux « frais de la Princesse », et ce, sans aucune contrepartie, même si cela ne concerne pas toute la troupe, mais surtout les officiers, la fameuse armée mexicaine.
On a en effet découvert lors de la mise à la retraite anticipée de nombreux officiers1, que certains généraux n’avaient aucun fait d’armes pouvant justifier leurs galons2, et pouvaient même être illettrés. J’en ai tiré que la république récompense inégalement des individus foncièrement inutiles, mais pire nuisibles, car ce sont ceux-là mêmes grassement payés par la population, qui s’en prennent à elle. J’ai même appris que la Guinée possédait au moins 2 amiraux, alors que je crois que la marine guinéenne possède 3 ou 4 vedettes de ports3 !!! pour des missions de sauvegarde maritime, de police et de surveillance de la zone économique.
Il suffit de bomber le torse, de parader, ou pire de tirer à vue, pour décourager toute tentative (un régime civil) susceptible de remettre en cause cet équilibre. Tous ceux qui accusent les anciens dirigeants civils d’avoir conduit le pays à la ruine4 – et ils ont raison -, devraient néanmoins méditer sur le fonctionnement réel du régime récent, notamment quant au fonctionnement des procédures financières. Comment fonctionne actuellement la BCRG, qui signe les décaissements actuels ? Par quoi ces décaissements sont-ils justifiés en l’absence de budget ? Répondre déjà à ces questions en dira plus long que les discours ou les rumeurs sur l’acquisition de biens immobiliers par les membres de la junte, ou le trafic de stupéfiants.
Certes le colonel Mamadi Doumbouya doit défendre la majeure partie de ses collègues (statut de la profession et de l’institution militaire), y compris dans un premier temps au niveau des intérêts et privilèges de chacun des individus qui la composent (sur le budget de la défense, sur le plan des traitements et indemnités et des avantages matériels tirés de l’exercice professionnalisé de leur fonction). La préservation des intérêts et des positions corporatistes est une logique inhérente à toute institution, et en faire abstraction serait irréaliste et suicidaire. Un gouvernement de transition doit donc permettre aux militaires, l’expression de leurs revendications corporatistes normales. Mais prendre en compte ne veut pas dire accepter systématiquement. Dans l’esprit de Mamadi Doumbouya et de sa junte, on a l’impression qu’un régime de transition signifie, que la junte est au dessus de la mêlée et que c’est le gouvernement actuel dirigé par Mohamed Beavogui, qui serait transitoire, c’est-à-dire au bon vouloir de cette junte composée par ailleurs d’ethnocentristes masqués.

Un gouvernement de transition mixte pour démilitariser le pouvoir…
Composer avec des militaires (ce qui exclut en revanche toutes les forces paramilitaires – forces de sécurité, milices… – à éradiquer) est inévitable, même si c’est placer l’appareil militaire dans une position d’arbitre parfois irresponsable, et n’est donc pas souhaitable à moyen et à plus long terme. Ce n’est donc qu’un pis-aller, dans l’attente d’une restructuration complète de l’armée.
Là encore le général Sékouba Konaté n’avait pas dit autre chose dans un discours, il y a plus de 12 ans maintenant : « … En choisissant le métier des armes, nous avons choisi notre voie : notre place est dans les casernes, notre mission est de garantir l’intégrité territoriale, la sûreté aux frontières et de veiller aussi sur les personnes et leurs biens… ». Mais ce n’étaient que des discours qui n’engagent que ceux qui les écoutent. On connaît la suite…
C’est pourquoi la suprématie des civils doit être établie de manière institutionnelle, afin d’éviter les interférences futures sur la scène politique. La réelle neutralité politique de l’armée, qui dans l’absolu n’existe pas – y compris dans les démocraties occidentales -, passe non plus seulement par le retrait des militaires du pouvoir politique exécutif, mais surtout par la démilitarisation du pouvoir et la subordination de l’institution militaire aux décisions civiles.

… et rétablir un contrôle démocratique.
Mais parce qu’en Afrique, les précédentes expériences de désengagement des militaires du pouvoir politique ont toujours été, à plus ou moins long terme, un échec, se soldant souvent par un coup d’État militaire, il sera essentiel de rétablir un contrôle démocratique.
Cela signifie qu’il faudra éviter à l’avenir de privilégier les moyens matériels de contrôle (allocations importantes au budget de la défense, hauts salaires pour les officiers et privilèges matériels pour acheter la loyauté des forces armées). C’est souvent considéré comme le meilleur moyen de tourner l’armée en un réseau de soutien à l’État…, mais c’est aussi le plus coûteux et il ne comporte aucune garantie (de nombreux coups d’État ont eu lieu dans des pays à fort budget militaire). Il faudra donc cesser ce système inégalitaire.
Il n’est pas davantage question d’un soutien militaire externe (à l’image de « la tutelle française » dans de nombreux pays francophones), d’une part parce que l’Histoire de la Guinée ne le permettrait pas, ensuite parce que, même la France a évolué – et pas seulement pour des questions budgétaires.
En dehors de ces deux éléments (redistribution et soutien externe), les études sur les pays qui n’ont pas connu d’intervention de l’armée sur la scène politique, évoquent un dernier aspect qui est lié à la personnalité du leader chargé de diriger, non pas la transition, mais le régime « démocratique » issu d’élections libres, crédibles et transparentes.
Dans un futur régime qui devra prévenir toute intrusion militaire sur la scène politique, cela passera par la dépolitisation de l’armée5 et la démilitarisation du pouvoir. L’enjeu sera aussi la reconstruction d’une armée professionnelle, moins corporatiste. Pour ce faire, plusieurs pistes seront privilégiées, notamment la coopération militaire (programmes de formation), et les missions à l’extérieur (engagement dans les Opérations de Maintien de la Paix de l’ONU ou régionales comme l’Ecomog de la Cedeao).
Toute la difficulté – et tout l’enjeu de la consolidation des relations civils-militaires dans un futur régime démocratique – sera de ménager des moyens de paroles professionnelles mais apolitiques, et donc inoffensives pour le régime.
L’activisme des militaires en politique se limitera en fonction de la légitimité des institutions, et de la pratique du pouvoir. En respectant l’État de droit et les normes constitutionnelles et légales, ce qui passe par une limitation à 2 mandats par exemple, en privilégiant le débat et le recours juridique, les civils contribueront à disqualifier la force comme moyen de règlement des conflits. Car les civils aussi, doivent proscrire les méthodes musclées, pour lesquelles ils seront toujours moins bien « armés » que les militaires. Civil n’étant pas synonyme de démocratie, le choix du leader sera important, mais c’est un autre problème.

Le colonel est donc à la croisée des chemins
C’est donc une tâche immense et périlleuse qui est « offerte » à Mamadi Doumbouya, mais elle permettra à l’institution militaire d’être reconnue pour son utilité sociale, tout en préservant d’éventuelles ambitions futures.
Lutter contre des hordes d’assassins est dangereux (mais c’est la finalité des forces de police et/ou de l’armée), mais lutter contre sa propre population est davantage suicidaire. Or il y a peu de monde en Guinée ou à l’extérieur, qui vont laisser une nouvelle fois des militaires « prendre du bon temps » pour 25 ans. En tous cas, plus cette fois…
Le colonel est donc à la croisée des chemins : que le contenu de son discours (notamment les deux passages que j’ai mis en exergue) soit réellement respecté, et alors les Guinéens pourront reprendre espoir. Mais il faut faire vite – il ne reste que 8 semaines -, les Guinéens sont las d’attendre…
L’autre solution, que le colonel semble malheureusement en train de suivre, c’est la soumission à ce qu’on appelle « la bande de Kankan », j’y reviendrai dans un prochain texte.


Gandhi, citoyen guinéen
« Dans tout État libre, chaque citoyen est une sentinelle de la liberté qui doit crier, au moindre bruit, à la moindre apparence du danger qui la menace ». (Robespierre, Discours sur la liberté de la presse, Mai 1791).
1Une quarantaine de généraux !!! Honnêtement qui pensait qu’il y en avait un si grand nombre ? d’autant que cela ne concerne que les retraités et par conséquent il en reste de nombreux actifs. Combien ?
2Peut-être l’utilisation d’une femme – Fatoumata Bah – comme bouclier humain ?
3Ce ne sont évidemment pas des navires de combat lance-missiles, rapides et furtifs, destinés à la lutte anti-navires en eaux côtières.
4J’ai découvert qu’un magistrat (et peut-être ses collègues de même niveau) pouvait gagner 145 millions de francs guinéens mensuels (plus que les 13 500€ nets avant impôt du président de la république française), et que de nombreux ministres (dont le premier d’entre eux) disposait de budgets de souveraineté (bel euphémisme pour se servir « légalement » ?), dont on ne connaît ni le plafond, ni la manière dont cela est voté et contrôlé.
5Il y a du boulot car depuis Sékou Touré, la confusion a été entretenue entre « armée nationale », ce qu’elle devrait être, et armée du parti (le PDG à l’époque), donc du régime, de sorte qu’avec la continuité, ceux qu’on appelle improprement militaires en Guinée, sont en réalité au service du dirigeant (c’est la première fois en Guinée qu’un coup d’État renverse un chef d’état en exercice) et non de la population.

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Par DMN Diallo

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