La nationalisation des entreprises : un probable remède à d’éventuelles crises économiques générées par la pandémie COVID-19.(Par Mohamed Kourouma)

15 avril 2020 - Une crise engendre toujours des crises, l’histoire peut en témoigner. Une crise politique génère des crises sociales, économiques, et même morales. Tout comme une crise économique, notamment celle de 1929, mais aussi celle financière de 2008...

La nationalisation des entreprises : un probable remède à d’éventuelles crises économiques générées par la pandémie COVID-19.(Par Mohamed Kourouma)
Une crise engendre toujours des crises, l’histoire peut en témoigner. Une crise politique génère des crises sociales, économiques, et même morales. Tout comme une crise économique, notamment celle de 1929, mais aussi celle financière de 2008, ont entraîné à leurs tours des crises sociales.
Ainsi, depuis l’apparition en début d’année 2020, d’une épidémie à Wuhan, cette ville chinoise, et qui s’est qui propagée dans le reste du monde à tâche d’huile, a plongé le monde dans une crise sanitaire d’une ampleur, sans doute jamais enregistrée depuis des siècles. Entraînant des pertes en vies humaines par masse et obligeant la quasi-totalité des États du monde à mettre leurs populations en confinement durant plusieurs semaines. cette situation affecte donc par conséquent les économies de ces États.
Conscients des pertes économiques et financières provoquées, cette situation suscite des interrogations quant à d’éventuelles stratégies auxquelles des États seraient susceptibles d’adopter afin de pallier ou de minimiser les conséquences néfastes de ces crises. L’évolution du monde est marquée par une succession de crises, mais c’est la manière de résoudre chaque crise qui illustre le génie de toute société humaine.
C’est alors dans cette perspective que la présente étude est envisagée afin d’analyser d’éventuelles possibilités pour des États de procéder à des nationalisations d’entreprises. Car certaines autorités publiques avancent déjà le recours à la « guerre économique » après la présente crise sanitaire. Cette dernière expression pouvant s’avérer très confuse et peut donc compromettre le sort de certaines entreprises. La présente analyse sera par conséquent axée sur les motifs ainsi que les conditions juridiques pouvant valablement permettre des États à recourir à la nationalisation.
Dès lors, un certain nombre de questions méritent d’être posées, à savoir : Pourquoi l’Etat envisagerait-il de nationaliser des entreprises ? Quelles sont les conditions requises pour recourir à la nationalisation ? Et comment nationaliser une entreprise ?
Tout d’abord, il faut rappeler que les entreprises publiques peuvent naître ou disparaître en entrant dans le secteur public, ou en en sortant, par une opération de nationalisation ou de privatisation. L’entrée d’une entreprise dans le secteur public peut résulter soit de sa création ex nihilo au sein du secteur public, soit de la personnalisation d’un service exploité antérieurement en régie, soit de la nationalisation d’une entreprise privée. Au sens de la loi du 11 février 1982, une nationalisation désigne : une prise de contrôle direct d’une société par l’Etat, autrement dit ce dernier détient plus de 50% de son capital.
Ainsi, La nationalisation est l’acte par lequel l’État procède à l’acquisition forcée de la propriété d’une entreprise privée. Cependant, la nationalisation peut être partielle (voir l’affaire Société British Petrolum) ou encore totale.
Aux termes de l’article 34 de la Constitution, relèvent du domaine de la loi les nationalisations d’entreprises et les transferts de propriété d’entreprises du secteur public au secteur privé. La nationalisation pourra s’exercer sous différentes formes. Ainsi, elle peut être conventionnelle, dans ce cas il s’agit d’un accord entre les propriétaires d’une entreprise privée et l’État, en vertu duquel l’État acquiert la propriété ou le contrôle de l’entreprise.
Eu égard, à la réalité qui prévaut avec le COVID 19, une nationalisation des entreprises privées n’est pas à occulter, face à cette situation qui se profile probablement.
Dès lors, il conviendra d’aborder les raisons d’une probable nationalisation (I), avant de se pencher sur les conditions encadrant le recours à la nationalisation (II).
I- Les raisons d’une probable nationalisation des entreprises privées : la nationalisation, une option pour l’État.
À la suite du discours du Président Macron, l’administration envisagerait de nationaliser
certaines entreprises privées. Partant, on se pose la question pourquoi nationaliser les
entreprises privées ? Il s’agit pour nous d’évoquer les probables raisons d’une nationalisation
compte tenu du contexte actuel : La France, historiquement a procédé à des nationalisations
d’entreprises privées. La première remonte à 1848, il s’agissait de sauver quelques
compagnies ferroviaires. Ensuite, ont suivi les nationalisations de 1945 et 1982. Ces
nationalisations étaient justifiées par des motifs économiques. Il y’a trois raisons principales :
La première : sauver les entreprises rentables qui traversent une mauvaise période. Donc il
faut nationaliser ces entreprises pour les revendre avec profit ; l’exemple de General Motors
aux États en 2009 en est une illustration.
La deuxième raison est de protéger les fleurons, c’est-à-dire les entreprises stratégiques.
Nationaliser dans ce cas évitera que ces entreprises fassent l’objet de prise en capital par les
entreprises étrangères voir des États.
La troisième raison est que la nationalisation pourrait alors être faite par l’agence des
participations de l’Etat, en montant au capital et en devenant décisionnaire. Cette dernière raison peut d’ailleurs rappeler le recours à la nationalisation d’entreprises par certains États africains, notamment la république de Guinée ou encore la Libye, après leurs accessions à l’indépendance. Il faut signaler que le recours à la nationalisation dans de telle situation peut être une source potentielle de litiges entre un Etat et les acteurs de l’entreprise concernée. Il faut à ce titre rappeler des célèbres affaires qui portaient sur des nationalisations libyennes dans les années 1970 à savoir : « Texaco-Calasiatic contre le Gouvernement Libyen » et celle de « Société British Petrolum c/ Libye », enfin l’affaire LIAMCO concernant le même Etat.
Ainsi au regard des motifs exposées ci-dessus, l’administration pourra envisager une
nationalisation des entreprises pour des motifs économiques ensuite cela permettra de venir
contrôler le capital de ces entreprises tout en les sortant d’une situation de faillite et de la
montée en capital d’entreprises étrangères. Certes, la nationalisation génère généralement d’une crise soit sociale, économique ou politique. Mais cependant pour nationaliser faut-il encore que les conditions de la nationalisation soient remplies.
II- Les conditions de la nationalisation :
L’administration centrale souhaite nationaliser certaines entreprises privées au vue de la
situation de faillite qui prévaut pour certaines. Mais cependant toute nationalisation obéit à des
règles spécifiques. Relevant du domaine de la loi, la nationalisation constitue en principe pour
le législateur, une obligation constitutionnelle, en présence d’un service public national ou
d’un monopole de fait, en ce sens Préambule de la constitution de 1946 paragraphe 9.
Ainsi, comme la loi ne pouvant tout prévoir, lorsque la constitution ne rend pas obligatoire la nationalisation dès lors, le soin est laissé au conseil constitutionnel qui est l’équivalent de la cour constitutionnelle dans certains États d’Afrique, de décider ou pas de la possibilité de recourir à la nationalisation. D’ailleurs c’est dans ce sens que le conseil constitutionnel français a jugé que celle-ci (la nationalisation) peut être librement décidée par le législateur à condition toutefois : d’être justifiée par l’utilité publique, de ne pas remettre en cause le champ de la propriété et de la liberté d’entreprendre et enfin la nationalisation doit donner lieu à indemnisation préalable conformément aux principes posés à l’article 17 de la declaration des droits de l’homme et du citoyen de 1789, qui a valeur constitutionnelle.
Pour résumer (Au regard de ce qui précède, il est donc opportun de noter que) la nationalisation doit se faire par voie d’autorité, être justifiée d’un intérêt public et doit entrainer un droit à l’indemnité pour les particuliers dépossédés.
Ainsi, au regard du droit français, la compétence d’attribution en matière de nationalisation revient au législateur en vertu de l’article 34 de la constitution à la lecture duquel il ressort que: « la loi fixe les règles concernant les nationalisations d’entreprises et les transfert de propriété d’entreprises du secteur public au secteur privé. En effet, il faut souligner à ce titre que Le gouvernement peut parfois avoir recours à une nationalisation ou à une privatisation, lorsque la loi lui autorise,
par voie d’ordonnance.
Ce faisant, pour nationaliser une entreprise il suffit au gouvernement de voter une loi en ce
sens. Bien vrai que, au regard du droit français, la nationalisation est une atteinte au droit de la propriété garanti par la constitution et la déclaration des droits de l’homme . Mais il est utile de noter que cette garantie constitutionnelle n’est pas intangible. C’est d’ailleurs le sens d’une décision du Conseil d’Etat français, cette haute juridiction d’ordre administratif a toutefois reconnu dans
une décision de 1982 le caractère fondamental de la propriété privée mais a estimé que celle-ci admet des limitations exigées par l’intérêt général notamment s’agissant de faire face à la crise économique, de promouvoir la croissance et de combattre le chômage. La nationalisation implique le versement d’une juste et préalable indemnité a souligné le conseil d’état dans une décision de 1982.
Donc les actionnaires des sociétés visées par la loi de nationalisation ont droit à la compensation du préjudice subi par eux, évalué au jour du transfert de propriété ; cette indemnisation est fixée par un tiers indépendant et peut s’amputer de la dette vis-à-vis de l’Etat ou d’être réglé en numéraire.
Ainsi, les actionnaires lésés peuvent contester le niveau d’indemnisation devant la justice administrative.
Et en droit communautaire, il convient de rappeler que le droit européen souligne qu’aucune disposition communautaire n’interdit le principe de nationalisation d’une entreprise mais toutefois l’autorité publique procédant à la nationalisation devrait se comporter comme un investisseur privé en économie de marché tant en ce qui concerne le prix d’acquisition que la gestion de l’entreprise.
Partant, des motifs exposés, l’administration pourra nationaliser les entreprises privées si elle
justifie d’un intérêt public, ensuite cette décision doit être prise par voie d’autorité, par la suite
elle doit nécessairement entrainer un droit à l’indemnité pour les particuliers dépossédés.
Par conséquent, ne serait-il pas légitime de recourir aux subventions ou à des aides d’États au lieu d’envisager la nationalisation qui s’avèrerait probablement plus complexe et moins protectrice des activités et des emplois, afin de pallier d’éventuelle crise économique générée par le COVID-19 ? Certes, le concours de l’États vis à vis des entreprises permettra, après cette crise sanitaire, d’éviter des dépôts de bilans, et permettra également le maintien de l’équilibre social. Par ces actes, l’État absorbera ainsi les impacts de la crise économique.
La crise économique peut affaiblir un État mais elle ne peut le tuer. Tandis qu’une crise peut, par contre, faire disparaître des entreprises en laissant crouler les entrepreneurs sous des dettes, en entrainant des crises sociales par des chômages massifs d’où un impact majeur pouvant troubler le cours normal de toute société.
Dès lors, la nationalisation des entreprises est-elle indispensable pour résoudred’éventuelles crises économiques générées par la crise sanitaire du COVID-19 ?
En conséquence, sachant que la nationalisation relève d’une mesure exceptionnelle et qu’en recourant ainsi à de telle mesure, dans le contexte évoqué dans la présente analyse, peut paraître discriminatoire vis-à-vis des entreprises nationales. Ainsi, l’étude de perspectives adéquates respectant le principe de liberté de concurrence et l’égalité entre les entreprises peut faire l’objet d’une prochaine analyse.
 
 
Par Mohamed Kourouma

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Par DMN Diallo

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